mardi 22 octobre 2013

Souvenirs : Histoire: quand le train débarquait dans le Var et les Alpes-Maritimes

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Au milieu du XIXe siècle, les distances raccourcissent entre le Sud et Paris. La magie du chemin de fer place Toulon à 19 heures et de la capitale et Menton à 24 heures.
Les voici les wagons brillants comme des phares ». Le poète toulonnais Charles Poncy les aperçoit le vendredi 27 mars 1959. Ce n'est encore qu'un train d'essai mais il roule au milieu « des acclamations enthousiastes d'une immense population accourue sur toutes les hauteurs qui dominent la voie ferrée ». Le journal Le Toulonnais raconte « cette foule prodigieuse de spectateurs qui avaient envahi les remparts, les ponts et toutes les avenues qui couronnent les abords de la ville ».
Quatre heures pour rallier Marseille à Toulon. Et encore, la locomotive « ne marchait pas à toute vapeur, afin de se tenir prudemment en garde contre les accidents qui pourraient se produire sur un terrain à peine ouvert à la circulation ». Grâce aux 41 millions dépensés pour la ligne, elle peut avaler la distance en 2 h 30. Le convoi de la nouvelle compagnie PLM (Paris-Lyon-Marseille), ex-compagnie des chemins de fer de Lyon à la Méditerranée, s'est arrêté à plusieurs reprises, repartant chaque fois sous les hourras des Varois. Ils se passionnent pour la machine. Ils pressentent ce qu'elle va entraîner. « Grâce au chemin de fer, écrit Charles Poncy, notre ville nouvelle voit l'avenir pour elle à deux battants s'ouvrir ».
Les distances raccourcissent
Paris n'est plus qu'à 19 heures de Toulon ! L'enjeu est national. La France a décrété d'utilité publique l'extension du réseau jusqu'à la frontière d'Italie. Pour le gouvernement, la garantie de mieux contrôler son port militaire en Méditerranée. Un bonus, en prime, pour l'économie locale qui pourra envoyer fruits et primeurs sur les marchés du Nord avant qu'ils ne se gâtent. Pour les voyageurs, un gros supplément de confort. Oubliés « fangeux chemins, chevaux essoufflés, éreintants cahots » et « postillons ivres ». Mis au rencart, « le cachot roulant », cette maudite diligence qui vous farcissait les genoux de crampes.
Trois mois plus tard, la ligne est officiellement ouverte. « Sans fête locale, sans inauguration proprement dite », déplore Le Toulonnaisjournal du Var et de l'Afrique. Passent trois années. Et un autre chantier titanesque, mobilisant des milliers d'ouvriers, essentiellement Piémontais, Belges et Allemands. Les Arcs deviennent le terminus de la ligne du chemin de fer d'Italie. Le 1er septembre 1862, 215 personnes trouvent un siège à bord du premier convoi dans le sens Dracénie-Toulon. Sur les quais, ils sont le triple à essayer, en vain, d'embarquer. « Des amateurs qui désiraient jouir de ce train de plaisir »,regrette la presse locale. Sur le tracé, une gare stratégique : Carnoules, point de correspondance vers Brignoles et Gardanne. Lescuyer-d'Attainville, président du conseil général du Var clame son bonheur « de vivre dans un grand siècle où semblent tenir du merveilleux les faits qui s'accomplissent avec tant de rapidité, sous l'inspiration de l'homme, que Dieu protège au milieu de tant d'écueils, comme pour montrer la puissance de sa volonté et la protection qu'il accorde à la France et à l'Empereur ». Les élus de Brignoles et Draguignan sont moins enthousiastes : leurs communes sont écartées du tracé. Or, les routes départementales et les chemins de grande communication qui desservent les gares sont retapés. De Gonfaron à Collobrières, de Lorgues à Vidauban, de Flassans à Pignans, les chemins d'intérêt commun sont « requalifiés » pour laisser la modernité passer.
En avril 1863, c'est au tour de Cagnes d'être reliée à la capitale. Le train a déjà fait ses premiers pas sur ce territoire azuréen : un mulet tirait depuis 1854 un wagon unique sur 11,5 kilomètres de voie entre La Roquette et Aspremont.
Des débuts en grande pompe
Nice, intégrée à la France quatre ans plus tôt, est raccordée à l'automne 1864. Marseille n'est plus qu'à 7 h 30 de la baie des anges. Pour accueillir dignement le convoi inaugural, ils sont des centaines, massés dans les champs autour de la nouvelle gare, dotée d'une verrière de 600 mètres de long. Le tsar Alexandre II, la reine Victoria et bien entendu Napoléon III (ci-dessous) fouleront ses quais dans les premiers mois d'exploitation.
Puis, c'est au tour de Monaco (1868). Et enfin, de Menton (1869). La connexion avec la ligne des Strade ferrate dell'Alta Italia est faite au niveau de Vintimille en 1872, l'année du premier incident sérieux dans les Alpes-Maritimes : un effondrement, entre Antibes et Cagnes. Il s'agit encore d'une voie unique. Le doublement de la voie à l'Est de Fréjus s'étale entre 1881 et… 1910, tant les derniers kilomètres avec la frontière compliquent l'avancée du chantier.
En voiture pour le tourisme de luxe ! Les premières voitures-lits Paris Menton affluent en 1876. « Le train le plus rapide(1re classe) quittait Paris à 7 h 15 du soir », note Michel Braun, directeur des éditions du Cabri et spécialiste du ferroviaire. « Il arrivait à Marseille le lendemain à 11 h 40 du matin, à Toulon à 1 h 54 de l'après-midi, à Cannes à 5 h 38, à Nice à 6 h 28 et à Menton à 7 h 51 après plus de 24 heures de voyage ».
Si vous ne pouviez voyager qu'en 3e classe le trajet durait environ 6 heures de plus. Le billet de 25 francs en première classe, descendait alors à 14 francs. L'équivalent de cinq jours de salaire pour un homme… et de dix jours pour une femme.
Patrice Maggio Var matin

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